Cet animal est, d’un côté, le plus heureux des animaux parce qu’il gît toujours – par quel
miracle en nos temps glorieux de recensement de tout?- dans des sphères ignorées de la science. En d’autres mots, il n’est recensé nulle part et connu de personne, et jouit donc d’une liberté et d’un calme à donner le vertige.Mais par ailleurs, la nature la ainsi fait qu’il subit l’un des tourments les plus féroces pour tout ce qui vit et a reçu comme injonction première :Reproduis-toi!
L’animal en question a, en effet, été conçu d’une manière telle que trouver conjoint lui pose problème à un point que sa race est sévèrement menacée d’extinction.
Cet animal, si discret, a été connu en des temps anciens. Il en reste aujourd’hui dont plus personne ne soupçonne l’origine. Ne dit-on pas : Les murs ont des oreilles?
La pierre, les rocs de tous pays ont des renfoncements et des saillies qui semblent n’être qu’accidents et érosions. Il n’en est rien. Si chacun de ces reliefs était relié aux autres, une image se formerait. Elle aurait plus ou moins contours d’oreille.
Cet animal est incrusté dans les blocs montagneux. Il est immobile parce qu’emprisonné dans la roche. Cela ne l’inquiète guère. Il se nourrit de sons. Les sons donnent un influx à sa pulsion cardiaque, très basse et très faible, et le maintiennent envie. Il n’a besoin de rien de plus.
Mais chaque millénaire, il ressent le besoin impérieux d’obéir au devoir d’accouplement.
Or chaque massif montagneux ne comporte qu’un seul de ces animaux-oreille.
Vous le comprenez aisément : l’accouplement, pour avoir lieu, nécessite rapprochement des monts, rapprochement des roches entre elles.