Adresse à Hécube

Vous avez les chairs rampantes, chère mère.
On dirait que vous n’en aurez jamais fini d’englober tout ce que vous considérez comme vôtre.
Je sens la peau flasque de votre ventre qui frémit chaque fois qu’un de vos innombrables enfants s’approche de vous.
Il crie, votre ventre, croyez-moi je l’entends : « Tu es à moi, reviens-moi ! ».
Vous avez aussi ce mouvement de bouche qui imite la succion de l’enfant au sein quand vous êtes en présence de quelqu’un qui vous intéresse.
N’est-ce pas, mère, vous l’avez imaginé vous tétant les mamelons, cet émissaire des Grecs, cet Ulysse, quand il s’est présenté devant Père, hier, nous déclarant la guerre avec humour et courtoisie.
Vous êtes persuadée, mère, que vous seriez capable d’arranger tout cela, si seulement on vous laissait en tête à tête avec cet homme d’âge mûr, guerrier merveilleux et stratège subtil, grec et votre ennemi. Vous le regarderiez avec votre imposante bienveillance, tapoteriez de vos doigts boudinés votre genou grassouillet, cette caractéristique moue de succion au bord des lèvres et de la câlinerie dans le regard.
Vous l’attireriez à vous en le ramenant à ses conditionnements infantiles, et vous lui attraperiez la tête pour la coller à vos seins.
Il téterait et son corps se relâcherait dans vos bras.
Et vous le rendriez ainsi béatifié aux Grecs, persuadée de l’avoir transformé en allié à votre cause, nous épargnant une guerre et la mort à venir de tous vos garçons.
Que ne vous laisse-t-on pas régner, chère mère, votre giron vaut tous les remparts du monde…©CatherinePierloz2014

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par Anders Noren.

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