Celle qui avait trois chiens, elle leur avait coupé la langue parce qu’elle préférait le silence mais aimait quand même les chiens.
Celle qui n’avait plus de dents à la mâchoire du bas, avait de la malice dans l’œil droit, malice mauvaise.
Celle qui gardait un cigare fumé par le Che momifié dans un tiroir, bougeait le cul en marchant, comme si ça lui en donnait le droit.
Ces trois-là s’appelaient Trudy D, Frau Assche et Rita Bleibtreu.
Celle qui refusait son corps, par pur principe, aux prénoms commençant par D, disait que c’était ça qui l’élevait par rapport aux autres putes.
Celle qui ne se rasait pas, nulle part, disait qu’elle militait au cœur du militantisme, mais son discours était quand même un peu dépassé.
Celle qui révulsait les yeux au passage des enfants disait que si elle avait été mère, elle aurait interdit le bain en famille.
Ces trois-là s’appelaient Dolly Dibish, Haarige Ingeborg et Beate.
Celle qui mettait un peu de poivre dans son diabolo menthe avait une odeur aigre qui affolait Günther.
Celle qui hurlait des poèmes de Antonin Artaud au moment où il jouissait rendait Ulrich malheureux et dépendant.
Celle qui brossait les longs poils de sa descente de lit avec un peigne pour homme ravissait Johan parce qu’elle lui rappelait sa mère.
Ces trois-là s’appelaient Nadine Zenf, LolaLou et Nannette.
©CatherinePierloz-2014