Amertumes dans le sillage de Sylvia Plath

Que d’étranges amertumes sur les eaux glacées du Gange !

Elles attendent le merci.

Mais les bouches des morts sont cramoisies et s’enflamment.

Autour des bûchers errent des flamands roses en quête d’un cœur rôti.

Ils se contenteront de cendre d’os.

Tous repartent incomblés et âpres.

Les fronts se buttent sous les cornes.

Ils cherchent encore un peu l’absolution sous les graviers de verre.

Mais il n’y a rien.

Et ce rien est tenace, il règne sur le dernier mot.

C’est sa propriété génétique.

Son palais-mirador.

Les amertumes sont belles et diaphanes : elles sont colonisées par un ver solitaire.

Elles soulignent leurs joues creuses par un trait de khôl subtilement tamisé.

Elles se préparent pour le tapin – mieux vaut cela que s’installer au restaurant où la graisse est exquise et le sucre opiacé.

Se donner sans amour nourrit les rancœurs et fait jouir le ver solitaire.

La nuit se passe.

Elles attendent l’aube.

Principalement, elles attendent la voix prophétique qui se livre dans la fissure du jour.

Mais il n’y a rien.

Le silence du rien est un néant métallique qui grince sur la porcelaine.

Les amertumes cernées se bouchent les oreilles dans une geste pleine de grâce, et prient pour les pauvres pêcheurs qui abusèrent d’elles il y a quelques minutes à peine.

Les amertumes dressent le rien, comme ailleurs on séduit les cobras.

Un peu de musique stridente, et infiniment de répétitions.

Et pourtant, malgré tout, au bout du tunnel, l’avenir est brûlé à l’acide.

Les damnés implorent pour un peu de réconfort.

Les poètes médaillés récurent les vieilles casseroles et bénissent les foules d’une soupe reconnaissable.

Mais le pain est rassis et Sylvia en fait des plâtres pour ses membres éclatés.

Elle a dévalé la pente à vélo, directement dans les ruches.

Son amertume propre a jailli de ses plaies purulentes, en même temps les abeilles prirent leur envol.

Sa vitalité est touchée.

Elle meurt.

On l’incinère sur les bords du Gange.

Les gens chuchotent : rien ne la prédestinait à la carbonisation !

Et les amertumes font la ronde.

Guettent le merci.

©Catherine Pierloz 2017

 

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