Jamais un fait divers n’arrêtera le temps. J’ouvre la fenêtre. Lentement, lentement, la coulée lente de l’air se déplace et tient en suspens, lentement, l’odeur de l’eau et l’immense, lent, continu, léger, soyeux, tendre, cruel, immortel, mort, blessé, pensif, lent froissement des roseaux. C’est ça, attendre.
Oui… le soir tombe. C’est le moment où chaque chose s’habille pour la nuit. Les oiseaux changent de couleur, l’eau change de miroir, et les ténèbres se lèvent et s’avancent lentement – mais sans bouger – vers nous.
Il lui parle comme on ne parle qu’une fois dans sa vie, au moment où, en nous, une porte secrète que l’on croit verrouillée s’ouvre. Et on se rend compte que cette porte n’a jamais été fermée. Et on a l’impression que depuis longtemps, très longtemps, toujours peut-être on était sur le point de dire cela que l’on dit enfin.
Et depuis lors je n’ai plus cessé de penser à ma mère qui est morte en décembre par un jour très froid. Elle se réveille de son coma et dit : ” ouvrez la fenêtre, je voudrais tant, avant de mourir, sentir une seule fois encore, le parfum des foins, le soir, en été”. Mon père et moi restions là, la gorge serrée sans pouvoir répondre. Dehors, il s’était mis à neiger. Et elle est morte. Et j’ai compris alors que nous sommes pauvres et sans pouvoir. Petits et affreusement seuls et misérables quand nous ne pouvons répondre au dernier souhait d’un mourant.