
Mettez ensemble art et pensée
vous trouverez : arpenteur
ici en Armor
nous sommes arpenteurs
des brumes de l’espace et du temps
l’aire d’un songe immense
concentration intense.
à Roscoff
Un léger crachin chuchote
autour des vieilles pierres grises
des mouettes crient au-dessus de la chapelle des pêcheurs
à travers la fenêtre couverte de sel
de cette vieille auberge
je regarde sur l’horizon
au-dessus des eaux piquetées de rocs noirs
l’île de Batz qui pointe son phare
dans le ciel gris
ici une jeune femme
arriva du nord
n’imaginant guère
ce que lui réservait l’Histoire
ici des marchands spéculateurs
assurés de leurs capitaux
construisaient d’opulentes villas
aux extensions exotiques
ici un poète brisé
traînait le long des rues son désespoir
avant de s’embarquer sur des mers houleuses
dans un bateau ivre
que reste-t-il encore
à espérer
à la fin de l’Histoire
à la fin de la philosophie
à la fin de l’identité
après tous les itinéraires
à travers tous les territoires
une réponse surgit
dans le chuchotement gris de la pluie
un lieu où héberger
une étrangeté.
Dans l’Altaï
1.
Kalbak-Tash
rive droite de la Chuya
d’abord lieu de chasse
ensuite sanctuaire
devant mes yeux des images
taillées au silex dans le rude grès vert
une bande de cerfs
traversant la rivière
paradis froid et obscur
2.
Plaisir à la vitalité
mouvement tout en volutes des bêtes
corps souples, grandes ramures
merveilleuse nature
le chaman remplace le chasseur
l’esprit ouvre son espace
besoin de réduire les lignes
de styliser à l’extrême
horizons de l’âme.
3.
Au commencement, un loup blanc
entra dans ses rêves
le regard fixe
d’un bleu profond
l’animal tourna en rond neuf fois
puis encore neuf fois
avant de s’en aller
dans le pays de la nuit
il le suivit, en hurlant comme lui.
4.
Peu à peu le hurlement
se transforme en chant
un chant de voyageur-voyant
puissant et monotone
qui descend jusqu’aux abîmes
pour y séjourner un temps
puis monte jusqu’aux étoiles
où les mots deviennent lumière
avant de retrouver la terre.
5.
Cette terre qui leur est chère
le Pays des Grandes Pierres
ces monts escarpés
où danse le vent
ce fleuve aux courbes gracieuses
et aux glaciales transparences
ici leur être
a sa résidence
endurance et permanence.
6.
Un chapeau à champignons
et un sac de médecine
un manteau fait de peaux
et un bâton de bouleau
c’est tout ce qu’il lui fallait
pour faire ses randonnées
parmi les souffles et les éclairs
les lichens et les pierres
toutes les richesses de son Territoire.
7.
Le vieux mont chenu
se reflète dans les eaux de la Chuya
quand il part sur son chemin
dans la lumière du matin
il va chercher du genièvre
le beau genièvre d’un bleu céleste
8.
Les oiseaux fauves
hantent les hauteurs des collines
tout est beau, frais et pur
sur l’étendue de la plaine
au loin il voit un lynx
il le salue de la main
tout lui fait signe
et charge sa mémoire
il est le porteur du savoir sensible.
9.
En haut de la falaise verte
il avait un gîte
y pratiquait en secret
une écriture secrète
qui resterait incomprise
bien longtemps après son enterrement
lignes de l’univers
partition du firmament
son legs et son testament.