
Je m’enveloppe d’un suaire violet et sors de chez moi. J’appartiens à cette race de fous pour qui la précipitation repousse la nostalgie.
Pour mes capteurs de douleurs, des parts dans l’usine où des adolescents inventent des matins.
Le prospecteur
Pendant que nous écoutons des phalènes, un jeune
homme tout juste gracié apparait. La nature occupe
le moindre centimètre. Peau maculée de mousse vert-
de-gris, rhizomes dans les cheveux, yeux pareils à des
pierres prêtes à éclore.
Tandis que la pluie ruisselle sur ses crevasses, il lance :
« Diplômé en désertion, je creuse dans mes écueils
et manipule des milliers de cailloux. Mon fanatisme
encourage les insultes. Trop souvent mes muscles
pleurent dans un coin, il faut alors avaler trois litres
d’azur. »
Quelques coups de pioche dans son cœur provoquent
une avalanche de pépites plus pures que les ampoules
sauvages. Une par une, il les revend aux architectes
chargés de construire des chambres pour les papillons
volubiles.
Arpente le cataclysme, construis-y un bivouac, mais pas ton palais.
Sculpte des prothèses en marbre pour les récifs érodés.
Apprenti, mémorise le dialecte de la décadence sans jamais oublier ta langue maternelle.
A la recherche d’une euphorie perpétuelle,
il délaisse les jeûnes
et découvre une machette souillée,
comme s’il s’agissait de sabrer d’un coup de vent,
il sectionne la jugulaire d’un typhon
pour inhaler le printemps au grand complet:
les points cardinaux perdent toute signification,
la vision devient trouble, la parole titube.
L’extase atteint un règne sans fin
lorsque le présent kidnappe la pensée
et que le corps refuse de payer la rançon.
Ne barricade pas l’oasis : la nature doit y laisser les traces de son déferlement.
Explore l’espace torride où le condors voltigent au-delà de la suffocation.
Grave ton nom dans le code génétique de chaque oiseau.
Apprenti, accepte ton héritage : l’émerveillement constant.