La traversée des territoires – Kenneth White

Peu de visions sont aussi émouvantes que celle d’une bande d’oies bernaches volant dans le vent de l’Atlantique le long de leur ligne de migration. Peu de choses exaltent autant la pensée que l’image, l’idée, d’autres oies sauvages quittant la Sibérie pour l’Inde, effectuant le grand passage à travers le Tien Chan et l’Himalaya. Depuis des millénaires, aux mêmes époques de l’année, les mêmes bruits d’ailes, les mêmes cris se répercutent dans le ciel. Il y a là un autre monde, mais bien réel, bien vivant, incarné. Je parle d’oies sauvages, mais un tout petit oiseau, une fauvette, que l’on verra ua coin d’un bois, au fond d’un jardin, peut avoir parcouru des milliers de kilomètres pour arriver là.


Le raisinier-bord-de-mer est encore relativement opulent. L’amarante-bord-de-mer, aux feuilles charnues, a des réserves de résistance. Mais voici le “romarin noir”, voici la “patate-bord-de-mer”, voici le “pois-bord-de-mer”. Ces végétaux n’ont pas le loisir de faire des déclarations d’identité, ce sont des énergies chercheuses qui essaient de survivre.


Le lendemain j’ai quitté Portel pour me diriger vers le littoral.

Sur la route, eut lieu une espèce d’épiphanie. C’était à l’étang du Doul. En m’en approchant, j’avais vu, posés, calmes, sur les eaux lisses, des oiseaux que, de loin, j’avais pris pour des cygnes : une vision de paix absolue. Puis subitement se produisit ce mouvement abrupt : l’envol excité d’une vingtaine de flamants roses. La sensation de paix se transforma en extase, le silence se fit exclamation.


Laisser un commentaire