Forêts – Wajdi Mouawad

Prologue/ La contradiction qui fait tout exister

Avec Forêts s’achève pour moi, je crois bien, une manière de raconter et de déplier une histoire : s’achève aussi cette conviction de la nécessité des origines et de l’héritage, comme si, plus important encore que le passé, il y avait les ténèbres qu’il faut pénétrer, quitte à y laisser sa peau et sa raison, pour tenter d’éclairer la violence de notre présence. Forêts, en ce sens, clôt définitivement ce “quelque chose” sans nom, sans titre, sans rien, amorcé en 1997. “Quelque chose” qui pourrait ressembler à une odyssée entreprise par Wilfrid dans Littoral, poursuivie par Jeanne dans Incendies et que Loup mène à son terme, dans Forêts. “Quelque chose” sans identité mais qui tourne cependant, je crois, autour de la question de la promesse : promesse tenue, promesse non tenue. Promesse énoncée, promesse renoncée, trahie, tenue et puis oubliée et de nouveau tenue, abandonnée, rejetée, reniée, moquée puis pleurée. La promesse et sa nécessité. Comme une erreur ou encore comme un bonheur, comme une damnation ou comme une victoire. Promesse comme une guerre menée contre le sens qui nous dépèce, contre le vide qui nous noie. Comme une amitié dans le ciel.

Ciel.

Justement.

Aujourd’hui que tout cela est racontée, écrit, édité, mis en scène et présenté, un désir étrange de vouloir tout renverser. Comme le besoin, urgent, de trouver une manière de prouver que toute cette insistance à raconter, l’importance de fouiller et le passé des origines et les ténèbres et la promesse, n’est pas non plus nécessaire pour vivre. Que l’on peut exister en étant à l’opposé de tout cela. Écrivant Forêts, j’ai eu la conviction que sans cette contrepartie cinglante qui viendrait contredire magnifiquement tout ce qui est venu avant, l’odyssée ne serait pas complétée, liée, rassemblée, réunie. Sans cette contradiction qui arriverait comme un point d’orgue, final, la violence ne serait pas entière.




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