
La conception qu’a Snyder du bouddhisme repose, en dernière analyse, sur les trois aspects de la voie du dharma traditionnelle (qui, à force de sectarisme, avait eu tendance à se scinder en plusieurs disciplines) : sagesse (prajna), ou connaissance mentale intuitive, qui se situe à un niveau plus profond que celui de l’ego; méditation (dhyana), par laquelle on s’exerce à pénétrer dans l’esprit pour découvrir la prajna; moralité (sila), la réalisation de la prajna dans son mode de vie dans le but d’établir une communauté réelle entre tous les êtres.
C’est cette “communauté réelle” qui préoccupe à présent Snyder. Et la dimension morale de la voie du dharma implique pour lui ceci : “Apporter son soutien à toute révolution culturelle et économique qui aille clairement dans le sens d’un monde libre, cosmopolite, sans classes.”
Précisons, pourtant que, pour Snyder comme pour ses “clochards du dharma”, il sera moins question d’apporter leur soutien à un mouvement révolutionnaire existant que de vivre de façon active leur propre “révolution dharmique”, une révolution sui generis dont les acteurs portent en eux des “univers de pratiques et de coutumes qui furent longtemps bannies par l’Occident judéo-capitaliste-christo-marxiste”.
Bien que nul mouvement révolutionnaire connu ne prône explicitement les buts et les méthodes de la révolution dharmique, les germes d’une telle révolution affleurent ici et là dans l’histoire occidentale et orientale – germes dont les racines plongent dans notre préhistoire commune. Snyder creuse jusqu’à cette source partagée. Le poète, en tant que sourcier, s’exprime par et pour une “source commune”…