
Le symbole de l’Anthropocène, plutôt que la forêt en flamme, c’est peut-être Burning Man!
Pour être un peu provocatrice, je vais résumer mes objections contre l’Anthropocène compris comme histoire, époque et outil avec lequel penser :
1. Le système mythique associé à Anthropos est un traquenard. Avec lui, les histoires finissent mal. Elles se terminent surtout en “double mort”; elles n’ont rien à voir avec la continuation. D’ailleurs il est bien difficile de raconter une bonne histoire avec un si mauvais acteur. Les mauvais acteurs, certes, ont besoin d’une histoire. Mais on ne peut tout de même pas leur laisser toute l’histoire.
2. Ce n’est pas l’espèce humaine qui fait l’histoire.
3. Ce n’est pas non plus l’Homme et l’Outil qui font l’histoire. Ou alors il s’agit de l’Histoire, cette histoire que racontent les tenants de l’exception humaine.
4. L’Histoire doit laisser place aux géohistoires, aux Gaïahistoires, aux histoires symchtoniennes. Par des jeux de ficelles multispécifiques, les habitants de Terra inventent des manières de vivre et de mourir entrecroisées, entrelacées et tentaculaires. Mais ils ne font pas l’Histoire.
5. L’appareil social humain de l’Anthropocène tend à être dominé par le sommet et enclin à la bureaucratie. Nous révolter implique d’adopter d’autres formes d’action, mais aussi d’avoir d’autres histoires qui soient autant de sources de réconfort, d’inspiration et d’efficacité.
6. L’Anthropocène a beau s’appuyer sur des modélisations informatiques flexibles et sur les théories des systèmes autopoïétiques, il repose aussi beaucoup trop sur une conception des relations avec laquelle on ne devrait plus pouvoir penser. Je veux parler de ce vieil individualisme borné et utilitariste – et de ses unités prises dans des relations de concurrence qui concernent jusqu’à l’air de l’atmosphère (mais s’arrêtent, visiblement, au dioxyde de carbone, que personne ne semble vouloir accaparer).
7. Les sciences de l’Anthropocène sont trop enfermées dans les carcans des théories des systèmes restrictives ou dans ceux de la théorie synthétique de l’évolution. Toutes celles-ci s’avèrent, certes, d’une extraordinaire importance; elles ne se révèlent pas moins incapables de penser convenablement la sympoïèse, la symbiose, la symbiogenèse, le développement, les réseaux écologiques ou encore les microbes. Aux yeux d’une théorie de l’évolution adéquate, ce sont là bien des problèmes.
8. Le terme “Anthropocène” est plus utile et possède davantage de sens pour les intellectuels des classes privilégiées et des régions les plus riches de la planète. En bien des endroits – et plus particulièrement (quoique pas exclusivement) chez les peuples autochtones -, il ne s’agit pas d’un terme usuel que l’on associerait directement au climat, au temps qu’il fait, à la contrée, au soin porté à une terre et à tant d’autres choses encore.
“Sympoïèse” est un mot simple. Il signifie “construire-avec”, “fabriquer-avec”, réaliser-avec”. Rien de se fait tout seul. Rien n’est absolument autopoïétique, rien ne s’organise tout seul.