Compagnie K – William March

Soldat Sylvester Keith

J’en suis sorti plein de colère et de ressentiment, convaincu qu’une chose comme ça ne pouvait plus jamais se reproduire. Il me semblait que si on arrivait à faire comprendre aux gens l’horreur de la guerre dans toute son absurdité, si on pouvait leur montrer les faits dans toute leur brutalité et leur bêtise, alors la prochaine fois qu’une assemblée de politiciens déciderait à leur place que leur honneur avait été bafoué, ils refuseraient de s’entretuer. J’ai donc fondé la Société pour la prévention de la guerre et j’ai réuni autour de moi cinquante hommes jeunes et intelligents qui, à mon avis, auraient une grande influence dans les années à venir. Les gens ne sont pas fondamentalement bêtes ou méchants, je pensais, ils sont simplement ignorants ou mal informés. Ils ont besoin qu’on les éclaire, c’est tout.

Tous les jeudis, notre groupe se retrouvait au même endroit. Ils posaient énormément de questions sur la façon de manipuler une baïonnette et la manière de lancer une grenade à la main. La généralisation des attaques au gaz sur toute la longueur d’un front les choquait et ils s’indignaient de la brutalité des lance-flammes, qui leur demeurait incompréhensible.

J’étais content de moi et fier de mes élèves. Je me disais : Je sème dans l’esprit de ces jeunes gens une telle haine de la guerre que le moment venu ils se lèveront sans crainte et sans honte pour proclamer la vérité. Mais à peu près à ce moment-là, quelqu’un a commencé à constituer une compagne de la garde nationale dans notre ville et mes disciples, soucieux de protéger leur pays contre les horreurs que je leur avais décrites, ont déserté ma société pour s’engager comme un seul homme.

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