Le rose Tiepolo – Roberto Calasso

La vision doit encore arriver. Il y a un arrêt complet – et le mutisme merveilleux du monde.


Tiepolo : la dernière bouffée de bonheur en Europe.. Et, comme tout vrai bonheur, il était plein de côtés obscurs, qui n’étaient pas destinés à disparaître, mais plutôt à prendre le dessus.


Selon Castiglione, le remède au « malheur de l’affectation » était de « faire preuve en toute chose d’une certaine désinvolture qui cache l’art et qui montre que ce que l’on a fait et dit est venu sans peine et presque sans y penser ». Un commentaire suivait : « c’est de là, je crois, que dérive surtout la grâce. » Et une conséquence décisive : «  On peut dire que le véritable art est celui qui ne paraît pas être de l’art ; et on s’appliquera par-dessus tout à le cacher. »


Au cours de tous ces siècles, la peinture fut en premier lieu une tâche assignée par le monde, à travers différents procédés, qu étaient au fond indifférents. La seule chose essentielle était qu’il arrivât de l’extérieur une injonction, comme pour un messager l’ordre de se mettre en voyage. (…)

Ensuite, en restèrent que les artistes. Certes, il continua à y avoir des commanditaires , publics et privés. Mais quelque chose s’était gâté, de façon irrévocable. La peinture devint de plus en plus une activité de monologue, un délire tranquille qui reprenait et se refermait tous les jours avec les heures de lumière derrière les verrières d’un atelier. Ils restait le artistes, pleins d’humeurs, de caprices, de fantaisies, d’impatiences. Et à la fin, peu s’en fallut qu’ils ne disparaissent à leur tour.