Lire, écrire – Paul Willems

Lire exige de nous un comportement quasi-religieux puisque à chaque lecture nous célébrons une œuvre, c’est-à-dire une création, et que tous les livres d’une bibliothèque font ensemble la création du monde. Du monde intérieur. Voilà pourquoi le lieu de la lecture est important comme un important le lieu d’un rite.

Le train, l’avion ou ma chère bibliothèque sont mes églises. Il y a d’ailleurs comme dans tout culte des objets rituels. La cigarette, la pipe, le café sont les plus fréquents. Parfois c’est un vêtement, comme une vieille robe de chambre, ou telle tasse ébréchée pour y boire la tisane, un fauteuil, un coussin, une certain lampe ou de petits morceaux de chocolat que l’on croque à stricts intervalles. Tout rite est fondé sur la répétition d’un geste ou la mise en condition par une même situation qu’il ne faut pas confondre avec l’habitude. La répétition m’a toujours paru l’élément essentiel de nos actions les plus importantes; comment pourrait-il en être autrement puisque toute notre vie est scandée par les battements de notre cœur.


Attente qui précède l’acte.

Pour le chasseur de phoque, le vrai, celui qui chasse avec un fusil, l’acte sera le coup de feu. Mais si le chasseur est poète, l’attente sera peut-être suivie de l’écriture.

L’attente avant l’action n’est pas contrôlée par la volonté consciente. La chasse au phoque, telle que je l’ai pratiquée, se joue aux frontières du néant. Néant de la pensée en tous cas. Donc, pas n’importe quelle attente. C’est une sorte de béance. Une sorte d’ouverture de l’être entier à l’afflux des signes. Attitude physique brute qui me semble précéder le langage! Pendant que j’étais étendu sur le banc de sable, rien de ce qui venait à moi n’était nommé. Plus tard, parfois des années après, les chants et les lumières informulés du monde se métamorphoseront en écriture.

 

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