Les jardins statuaires – Jacques Abeille

Comment le mépriserions-nous dès lors, lui qui est à la source de ce qu’il y a de plus obscur et de plus tenace dans notre participation à la communauté que nous formons!


Une sorte de gloire terrible dont aucun homme ne voudrait. Car quel homme pourrait affronter sa propre effigie muette soudaine dressée en face de lui, au milieu de la communauté des hommes?


Je viens d’éprouver que la passion du vrai est souvent inséparable du penchant à l’obscène.


Je partis à l’aube par la porte de derrière que mon logeur ouvrit exprès pour moi. Et, dès que j’eus fait une centaine de pas, je connus une de ces émotions qui semblent se jouer de la mémoire pour nous plonger dans un temps très lointain que les événements de la vie – de la vie qui continue – devraient avoir depuis longtemps aboli. Quand il surgit ainsi inopinément, ce profond maintenant, au creux duquel se dérobent les ombres disparues, se donne inqualifiable. Il est gros d’engendrements à venir – qu’on a connus pourtant et que de nouveau on attend de pouvoir nommer – en sorte qu’à l’inéluctable poids du passé se mêle fraîche embrassée la gerbe des virtualités que le cours des choses a abolies, auxquelles on a cru un instant.


Dites-moi plutôt ce que je ferai de ce grand privilège de vivre auprès du pouvoir et d’en être l’interprète. Et à mes yeux d’homme de l’imaginaire, croyez-vous que, pour imposant qu’il se donne, ce pouvoir ait plus de réalité que les règnes auxquels, tout à l’heure, pour me laissiez rêvant?


Mais il me semble avoir déjà les nerfs d’un homme d’après la catastrophe. Suis-je plus vieux que mon temps?


Je sentais le désir de doter ce que j’écrivais d’une épaisseur; je ne voulais pas qu’il fût l’impression ou la matérialisation d’un discours tout uniment filé, ais qu’on y sente l’ombre, la résonance, l’opacité énigmatique d’une chose.


 

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