Élément déclencheur

Ils avaient été éduqués à aimer le marasme, à y reconnaître une part essentielle de leur culture.

C’était un peuple las, fatigué d’avance par la contemplation d’un ciel étoilé ; il y avait tant à ouvrir en soi pour accéder à l’extase, il valait mieux ne pas lever les yeux.

C’était un peuple d’anémiques qui craignaient avant tout une surcharge émotionnelle qui les aurait dépouillés d’une part trop importante de leur réserve d’énergie défaillante.

Ils ressemblaient à des roseaux, plantés dans un marais, oscillant au gré du vent, leurs regards glauques plongés dans les eaux terreuses.

Ils n’attendaient rien.

C’était ce qui les définissait le mieux.

Il faut comprendre cela pour réaliser l’impact considérable d’une événement anodin : la rencontre d’une jeune femme avec un fuseau.

Car ce fuseau n’était pas d’abord une transgression, il était irruption du désir pur dans l’imaginaire morne d’une jeune femme que rien n’avait préparée à une telle rencontre.

©Catherine Pierloz – février 2022