Bataille (pas l’auteur) – Aurélie William Levaux

Je suis trop volcanique, volcanique de joie c’est plutôt chouette, mais ces derniers temps, je suis généralement en colère. Je trouve beaucoup de choses injustes ou absurdes, ça m’est tellement invivable que je deviens invivable. Si je viens vous voir, c’est pour devenir apaisée, bienveillante, tolérante, détachée du terrestre, et devenir simple, j’ai dit à la psy. Pourquoi êtes-vous si souvent en colère? elle a demandé. Au départ, je suis triste, et donc en colère, je crois. Triste et donc en colère, vous dites, elle a répété, pourquoi cette association de sentiments? Je ressens une profonde tristesse, et comme la tristesse, c’est ennuyeux comme la mort, je préfère ressentir une profonde colère. Je ne comprends pas bien la mollesse, je ne supporte plus le mensonge, les non-dits, les injustices, je ne supporte pas les milieux, quels qu’ils soient, les déséquilibres et les phénomènes de masse, je ne supporte pas les systèmes et les normes, je ne supporte plus les gens qui se soumettent. En fait, je ne supporte presque plus rien ni personne, j’ai continué. Alors, j’explose. Je crois que je gère mal mes émotions. C’est pour ça que je suis venue vous voir, pour devenir bienveillante, tolérante, avoir du recul et devenir simple, j’ai fini. C’est un bon début de chemin, elle m’a dit, en prenant note. Parfois, je me dis que je suis monstrueuse, mais ce n’est pas évident de ne pas le devenir, à force, il me semble que nous vivons dans un monde de plus en plus idiot, c’est vraiment intenable, je ne sais pas ce que vous en pensez, vous, j’ai continué. Vous n’êtes pas ici pour que nous ayons un débat sur le monde, mais pour parler de vous. Avez-vous l’ambition de devenir une sainte? elle a demandé. Non, avant, oui, peut-être un peu, j’avoue, mais plus maintenant, j’ai arrêté il y a quelques années, je voudrais mieux communiquer surtout, je crois. Oui, c’est le travail d’une vie, de bien communiquer et de faire passer des idées, un très long travail, elle a confirmé. Je crois que mes parents ont un peu foiré en m’élevant à la méthode Gordon, j’étais l’aînée, ils ont fait le test sur moi, après ils l’ont regretté, surtout mon père, il n’en pouvait plus, je me suis souvenue. Elle a souri. Qu’est-ce que c’est, pour vous, la méthode Gordon? elle a demandé. Je ne savais plus exactement. La méthode Gordon est basée sur l’écoute active et attentive de l’enfant, sur ce qu’il vit et ressent, elle m’a renseignée. Voilà, exactement, c’est ça, donc, j’ai été écoutée attentivement et activement, et maintenant, comme je crois que la vie c’est comme ça, qu’on va m’écouter attentivement et activement, c’est une catastrophe parce que ce n’est pas le cas, je n’ai aucune limite et aucun filtre. Je ne suis pas certaine qu’il faille en tirer des conclusions, elle a dit. Je crois que je suis un peu tyrannique, en plus, j’ai dit. Tyrannique, vous pointez quelque chose d’important, c’est un comportement infantile, elle a noté. Oui, et je ne suis pas un enfant, je sais, vous pensez qu’il y a une solution, pour moi, pour mieux supporter le monde et être moins insupportable? je lui ai demandé. Il y a toujours une solution si on décide d’y travailler, elle m’a répondu. C’est rassurant, je me réjouis, j’ai dit, très réjouie. Le problème, c’est que, je dois bien l’avouer, j’ai très peur qu’en devenant bienveillante, tolérante, apaisée et détachée du terrestre, je me mette moi aussi à écouter Orelsan, trouver que Macron ne fait pas que des erreurs et accepter de vivre comme une esclave pour faire plaisir à je ne sais pas qui, vous comprenez? J’ai honte de devoir dire ça, mais je me demande, au fond, si c’est moi que je veux changer, ou si ce ne sont pas plutôt les autres, j’ai avoué. On ne change personne, vous savez, elle a dit. Oui, je sais, dommage, j’ai ri. Je voudrais beaucoup faire des exercices pour évoluer, que me conseillez-vous pour commencer? j’ai demandé. Dans un premier temps, elle m’a dit, un peu sévèrement cette fois, vous pourriez vous exercer au silence.

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