J’ai l’impression que tout n’a pas encore été dit, qu’il reste quelque chose de plus tacite, lié à cette volonté d’établir des connexions, des ancrages qui nous permettraient d’interpréter et d’interroger notre présent. Je n’ai certes pas retrouvé la trace de Tyburn, mais sa présence est toujours là. Cette Histoire du Vandalisme Éclairé est une tentative d’aborder l’histoire comme quelque chose de plus qu’une compilation d’événements morts, qu’un simple corps mutilé. A présent, j’ai le sentiment d’avoir moi aussi tissé ces liens, d’avoir mis mon flair à l’épreuve. Au fil de ces pages, j’ai vu défiler des centaines de visages. Je repense aux jacobins, qui regardaient du coin de l’œil le passé impérial romain, ou aux révolutionnaires français de 1848 qui imitaient leurs ancêtres jacobins. J’ai également croisé le profil de Lénine, ce Robespierre du XXe siècle. Autant de personnages qui ont, à leur manière, foulé des terres déjà conquises et parlé un langage dont ils avaient hérité. J’ai tâché de les mettre à nu, d’en percer les codes, de déchiffrer la façon dont s’exprime l’horreur contemporaine, et dont la culture populaire véhicule la transgression et la terreur.
Sartre disait, avec le recul, s’être battu toute sa vie “pour l’avènement d’une société dans laquelle il n’avait pas envie de vivre”. C’est un peu ce qui est arrivé aux artistes d’avant-garde fascinés par les tueurs en série, les terroristes et les criminels. Ils ont convoqué un monde, en sachant pertinemment qu’il ne ferait jamais son retour. Ils ont revendiqué quelque chose d’insaisissable et d’obscène, même pour eux. Et ils ont fini par fantasmer une violence qui, si elle devait se concrétiser, les aurait probablement dévorés.