La grande fille maigre est arrivée la première. Elle attend depuis six heures du matin. Elle porte un imperméable gris d’où dépassent ses longues jambes nues. Elle porte des sandalettes. Elle sautille dans les flaques pour faire passer le temps. Elle déambule, allées et venues depuis l’entrée des ambulances jusqu’à l’entrée de la morgue renfoncée dans un angle entre deux bâtiments gris de l’hôpital. Elle s’arrête quand une ambulance entre en trombe et elle s’approche pour regarder avec intérêt les ambulanciers en action. Puis elle reprend son va-et-vient, ses sautillements. Elle est trempée. Elle sifflote par moments, le visage tourné vers la pluie.
Le vieil homme arrive plus tard. Il est très grand aussi. Il est encore plus maigre que la fille. Il porte un costume gris. Son crâne est dégarni et le reste de ses cheveux sont tout blancs. Son visage est rouge. Une veine violette gonfle son front. Il marche à tout petits pas. Seul le pied droit avance, le gauche reste à la traîne. Il se met à l’abri sous l’auvent à l’entrée de la morgue. Il tourne ses yeux bleu pâle vers le ciel gris. Ses mains veineuses tremblent. Puis il voit la fille.
©2010CatherinePierloz