La fille regarde le vieillard aussi. Elle tient la tête un peu inclinée sur le côté et sourit du coin des lèvres. Elle frotte machinalement sa sandale contre le bord du trottoir. Le vieillard devient tout blanc. Il ouvre la bouche, n’émet aucun son, puis oublie de la refermer. Il avance la main devant lui comme pour serrer celle de la jeune fille, mais ils sont séparés de plusieurs mètres. La jeune femme sourit plus franchement.
Le vieux avance vers elle, bouche toujours ouverte et main tendue. Il progresse à petits pas. Seul le pied droit bouge, le gauche reste à la traîne. Les gouttes s’écrase sur son crâne chauve et ses yeux bleu pâle se cerclent de rouge. La fille ne bouge pas.
Arrivé à sa portée, il agrippe sa main et la serre de ses doigts noueux. Les plis sous son cou sont tendus, ses yeux et sa bouche grands ouverts. Il secoue la main de la fille pendant un long moment, son visage figé planté devant le sien, dont le sourire faiblit. Puis il laisse s’échapper un son rauque, s’enroue, tousse sans lui lâcher la main et finit par articuler :
– C’est de ma faute, pardon, c’est de ma faute.
Et il repart sous l’auvent, à tout petits pas, le pied gauche à la traîne.
©CatherinePierloz2010